Progrès technique et croissance




Le progrès technique a connu une spectaculaire progression depuis un siècle. Or, dans le même temps, le vingtième siècle a connu une croissance économique globalement forte. Y a-t-il un lien de causalité entre ces deux phénomènes ? Si oui, par quels mécanismes le progrès technique permet-il une augmentation de la production ?

   ●   Un lien empirique entre progrès technique et croissance
La croissance peut s’expliquer par l’augmentation des quantités de facteurs de production travail et capital utilisés dans le processus de production. On parle alors de croissance extensive. Cependant, des études ont montré que seulement une partie de la croissance pouvait s’expliquer à partir de ces facteurs. L’autre partie, ou « résidu », est attribué au progrès technique. Ainsi, en France, entre 1986 et 1990, la croissance annuelles moyenne du PIB a été de 3.3% ; or, cette croissance ne s’explique qu’à hauteur de 0.6% du fait de l’accroissement de la quantité de facteur travail, et de 1.0% de celui de la quantité de facteur capital. Durant cette période, 1.7% de la croissance observée est donc imputable au « résidu ».
On parle alors de croissance intensive, car la hausse de la production est à mettre au compte d’une augmentation de la productivité des facteurs de production, qui est une conséquence du progrès technique. Elle peut aussi provenir d’effets d’expériences.

  ●    L’impact du progrès technique sur la demande
Schumpeter a montré que les phases de croissance économique, sur le long terme, étaient contemporaines de l’apparition d’innovations majeures (que l’on peu identifier au progrès technique).
En effet, le progrès technique peut se matérialiser sous deux principales formes : des innovations de procédés, qui permettent d’augmenter la productivité, ce qui permet d’augmenter la demande, et donc la production ; des innovations de produits, qui permettent de mieux répondre à la demande des consommateurs, ou qui génèrent de nouveaux besoins. De nouveaux marchés, au fort potentiel de croissance, se développent alors. 

   ●   Une relation pas toujours avérée
- Robert Solow a montré que « les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques ». En effet, il faut un certain temps d’adaptation aux salariés et à l’entreprise pour tirer pleinement partie d’une innovation. Durant cette période de diffusion de l’innovation, la productivité augmente peu.
- Les innovations de procédés n’ont un impact positif sur la croissance que si les gains de productivité entraînent une augmentation de la demande. Or, cela dépend de la répartition des ces gains ; ainsi, si ces gains ne sont pas destinés à baisser les prix ou à augmenter les salaires, mais uniquement à augmenter les profits, et si ces profits ne sont ensuite pas investis, alors l’impact du progrès technique sur la croissance sera quasiment nul.





COMPLEMENT : La recherche&développement


La recherche, source de l’innovation
La recherche et développement (R&D) est l’ensemble du processus qui, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée et au développement industriel, permet la découverte, l’invention et ses applications économiques.
La R&D regroupe trois étapes :
— la recherche fondamentale: elle vise à élargir le champ des connaissances scientifiques; la découverte des principes de la mécanique ondulatoire et des propriétés des particules lumineuses par exemple;
— la recherche appliquée: elle est à l’origine d’une invention, c’est-à-dire d’un procédé technique, brevetable, application pratique de la découverte scientifique fondamentale, et correspondant à un besoin ( le laser par exemple)
— le développement: il s’agit de concevoir et de mettre au point un prototype pour s’ assurer de sa faisabilité industrielle (conception du procédé technique de fabrication industrielle) et économique (étude du coût); le développement correspond à la phase initiale de l’innovation, celle-ci se poursuivant par la production en série du produit et sa mise sur le marché (mise au point par une entreprise d’un laser permettant les opérations de la rétine par exemple).


Le progrès technique, un bien collectif

DOCUMENT : Les particularités du progrès technique
« Le progrès technique est défini de façon générale comme un accroissement de la connaissance que les hommes ont des lois de la nature appliquées à la production. Il consiste donc en l’invention de produits et procédés nouveaux, qui augmentent le bien-être des individus, soit par un accroissement soit par une transformation de la consommation (…)
La technologie présente nombre de traits de ce que les économistes  appellent des « biens publics ». Le plan d’un bien, la formule d’un produit chimique ou la description d’un procédé nouveau sont de l’information. A ce titre, ils sont communicables à un coût qui est largement inférieur à leur coût de production (à la limite, le coût sera celui d’une simple photocopie!), et ils peuvent être utilisés simultanément par un nombre quelconque d’agents.
Si chaque chercheur peut utiliser les résultats de tous ses collègues et prédécesseurs, la réciproque est également vraie: les découvertes de chacun sont disponibles pour ses collègues et successeurs, car elles vont à leur tour s’ajouter au stock des connaissances. Cela traduit une externalité, puisque chaque chercheur contribue à accroître la productivité de ses collègues »
Dominique Guellec et Pierre Ralle, Les nouvelles théories de la croissance, Editions La Découverte, 1995, pp64/67

Bien collectif présentant la caractéristique de non rivalité, le progrès technique est donc une activité à externalités positives (voir p.00). Cela explique son impact sur la croissance : une connaissance supplémentaire entraîne en effet une somme d’autres connaissances, et ce pour un coût faible, puisque toutes ces nouvelles recherches s’appuyant sur une recherche antérieure n’ont pas à payer le coût de cette recherche préalable.

Financements et incitations
Evidemment, cela pose le problème du financement de la recherche : en effet, si celui qui a subi un coût de recherche pour sa découverte voit sa découverte utilisée gratuitement par d’autres, il sera désincité à réaliser cette recherche.
Par conséquent, il faudra soit que ce soit l’État (ou les administrations au sens large) qui finance cette recherche sans viser à des fins de rentabilité (c’est le cas pour la recherche fondamentale), soit que l’État mette en place un système de protection de la propriété intellectuelle et industrielle (ce sont les brevets). Dans ce dernier cas, qui correspond à la recherche appliquée et au développement, les entreprises peuvent réaliser le financement de cette recherche.
Ainsi, en France, une part des dépenses totales de recherche et développement est réalisée par l’Etat. En 2002, cette part est de 44.7%. Cependant, l’effort global de recherche, mesuré par la part des dépenses de recherche dans le PIB, est faible en France : elle représente à peine 2.2% du PIB, ce qui est, par exemple, beaucoup plus faible que celle des Etats-Unis/