La mondialisation conduit-elle à une
uniformisation culturelle ?
Document 1 –
Autour de
soi, chacun sent bien que l’alibi de la modernisation sert à tout faire ployer
sous l’implacable niveau d’une stérile uniformité. Un pareil style de vie
s’impose d’un bout à l’autre de la planète, répandu par les médias et prescrit
par le matraquage de la culture de masse. De
( Source : Ignacio Ramonet, Le
Monde diplomatique, mai 1993 )
Document 2 – L’équipement en moyens
de télécommunications dans le monde en 2001
|
Nombre de lignes de téléphonie fixe
pour 1000 personnes |
Nombre de téléphones portables pour
1000 personnes |
Nombre d’ordinateurs pour 1000
personnes |
Nombre d’utilisateurs d’Internet en
millions |
Etats-Unis |
667 |
451 |
625 |
143 |
Zone
Euro |
540 |
711 |
286 |
91 |
Europe
centrale |
235 |
140 |
52 |
19 |
Amérique
Latine |
165 |
161 |
59 |
26 |
Asie
de L’Est |
110 |
97 |
19 |
51 |
Afrique
du Nord |
100 |
53 |
32 |
4 |
Asie
du Sud |
32 |
6 |
5 |
8 |
Afrique
subsaharienne |
14 |
27 |
10 |
5 |
(Source :
Alternatives économiques, Hors Série n° 59, Décembre 2003)
Document 3 –
La diffusion
des biens culturels communs à l’humanité entière prend dans le monde actuel une
ampleur singulière. Une technique industrielle que l’Occident a créée s’exporte
à travers le monde entier qui l’accueille avec frénésie. Va-t-elle, en imposant
partout un même visage : buildings de béton, de verre et d’acier,
aérodromes, voies ferrées avec leurs gares et leur haut-parleurs, villes
énormes qui, peu à peu, s’emparent de la majeure partie des hommes ;
va-t-elle unifier le monde ? […]
Cependant, la « civilisation
industrielle » exportée par l’Occident n’est qu’un des traits de la
civilisation occidentale. En l’accueillant, le monde n’accepte pas, du même
coup, l’ensemble de cette civilisation, au contraire. Le passé des
civilisations n’est d’ailleurs que l’histoire d’emprunts continuels qu’elles se
sont fait les unes aux autres, au cours des siècles, sans perdre pour autant
leurs particularismes, ni leurs originalités. Admettons pourtant que ce soit la
première fois qu’un aspect décisif d’une civilisation particulière paraisse un
emprunt désirable à toutes les civilisations du monde et que la vitesse
des communications modernes en favorise la diffusion rapide et efficace.
(Source : Fernand Braudel, Grammaire des
civilisations, Flammarion 1987)
Document 4 –
Tout ceux
qui y travaillent - outre les cadres des firmes multinationales : artistes,
chercheurs, universitaires, journalistes et “stylistes” de tous ordres - ont
fait de la mondialisation une pratique et une idéologie professionnelle qui
retentissent sur leur vie personnelle. Les sociétés urbaines, surtout dans les
grandes villes, représentent un concentré de mondialité : beaucoup d’étrangers,
une culture internationalisée par son niveau d’excellence, une similarité des
modes de vie quelle que soit la localisation de la métropole. New York,
Londres, Tokyo, Paris, constituent un archipel peut être mieux soudés que celui
qui joint ces villes à leurs campagnes, ou ce qu’il en reste. Outre l’urbanité
comme mode de vie, cette “classe” des mondialisés possède un autre point commun
: la pratique de l’anglais.
(Source : J.Levy, Sciences
humaines, Hors série n° 17, juillet 1997)
Document 5 –
Archétype
de la marque mondiale, présent dans 116 pays, Mac Donald’s n’ignore plus rien
des habitudes nationales et adapte son offre en conséquence. A côté de son
produit culte - le Big mac -, il propose la salade
niçoise en France, la feta en Grèce, le poulet frit à Singapour. « Nous
sommes devenus une entreprise multilocale »
affirme son PDG, Jack Greenberg. Même discours chez
les dirigeants de Coca-Cola, qui adaptent aussi leur marketing : une publicité
télévisée vantant la “boisson mondiale” auprès des consommateurs russe
recycle un vieux récit folklorique qui met en scène le tsar, Ivan et le loup
gris magique. Analysant la « glocalisation »
du beau en Inde, l’ethnologue Jackie Assayag relate
comment les géants de l’industrie cosmétique s’installent en force sur le
marché, en exploitant un préjugé ancestral, le désir des femmes indiennes
d’avoir une peau claire. Face au « global », le “local”
garde une capacité d’initiative. Il ne reçoit pas le spectacle du monde avec
passivité. Il adapte, reconstruit, réinterprète les “signes planétaires”. D’un
pays à l’autre, la série télévisée “Dallas” n’a pas été perçue de la même
manière, son personnage principal, JR, suscitant des sentiments divers selon
les publics. Chaque auditoire retranscrit le message culturel en fonction de
son contexte national. Certains produits sont réappropriés en toute liberté.
Jean Louis Amselle cite le cas du Kenya, ou l’ethnie Luo consomme le Coca-Cola à l’occasion des mariages, lui
donnant ainsi la valeur d’un bien rituel. Cela est vrai de tout objet culturel.
Les japonais ont fait du base-ball leur sport national. Professeur à
l’université de Chicago, Arjun Appadurai
décrit comment les diverses classes sociales en Inde ont tour à tour accaparé
le cricket, sport patricien devenu populaire. En quelques années,
(Source : J.P.Langellier, Le
Monde, 26 novembre 1999)
Document 6 –
Assimilée aux
services, la communication inclut aussi bien les produits des industries
culturelles que les télécommunications, l’industrie du tourisme que les
techniques de gestion. Les négociations du Gatt qui se sont achevées en
décembre 1993 ont donné lieu à un affrontement direct entre l’Union européenne
et les États-Unis sur la question de “l’exception culturelle”, qui s’est soldée
par l’exclusion pure et simple des productions audiovisuelles et culturelles
des accords de libre-échange. A cette occasion, on a pu voir se creuser le
fossé entre les défenseurs des identités culturelles et les partisans de
l’application intransigeante du critère de marchandise à toute forme de
production. Pour justifier leur opposition à la clause de l’exception
culturelle, ces derniers ont tenu un discours du genre : “laissez les gens
regarder ce qu’ils veulent. Laissez les libre d’apprécier. Faisons confiance à
leur bon sens. La seule sanction appliquée à un produit culturel doit être son
échec ou son succès sur le marché.”.
En se
focalisant unilatéralement sur la liberté du consommateur de décoder les
programmes et autres produits culturels, d’où qu’ils viennent, cela permet de
se débarrasser à bon compte des questions sur l’inégalité des échanges entre
les diverses cultures, les diverses économies, et sur la nécessité d’élaborer
des politiques régionales et nationales.
(Source : A.Mattelart, Vers
la communication-monde, Sciences humaines, Hors
série n° 17, juillet 1997)
MONDIALISATION
ET SPÉCIFICITÉS SOCIOCULTURELLES
Introduction
:
Ø Amorce = En 2005, malgré l’opposition des
Etats-Unis, les Etats membres de
l’Unesco ont signé une convention sur la protection et la promotion de la
diversité culturelle. La culture, c'est à dire l'ensemble des manières
de faire, de penser et de sentir propre à une collectivité humaine, ne doit pas
être une marchandise comme les autres. Elle doit échapper aux lois du marché (Doc
6).
Ø Problématique = Le développement des échanges
internationaux, en terme de biens, de services, de capitaux, de brassage de
population, de transfert de technologie, est-il en train de faire disparaître
les cultures propres aux sociétés ? L’acculturation, qui résulte
des contacts prolongés entre des sociétés de culture différente, va-t-elle
donner naissance à une culture universelle ou mondialisée ? N’assiste-t-on
pas à une occidentalisation du monde ?
Ø Annonce du plan = Après avoir analysé les processus de
diffusion de la culture occidentale et leurs effets sur les cultures, nous
montrerons que chaque société conserve sa spécificité socioculturelle en
absorbant et en réinterprétant les traits culturels des autres sociétés avec
lesquelles elle est en contact.
1
–
A – LE RÔLE DES
ECHANGES ECONOMIQUE
Phrase introductive = Il est indéniable que la colonisation, la
mondialisation des échanges et le triomphe de l’économie de marché, depuis
l’effondrement du mur de Berlin en 1989, ont favorisé la diffusion d'un modèle
culturel occidental dont les valeurs individualistes, matérialistes,
démocratiques et les normes urbanisées et consuméristes semblent
s’imposer au reste du monde (Doc 1). Plusieurs éléments ont contribué à
cette occidentalisation du monde :
Ø En premier lieu, le
développement des échanges commerciaux et le développement des FMN ont fait
connaître au reste du monde les produits occidentaux. Au départ, ces produits sont conçus
pour le marché
intérieur puis sont diffusés, avec plus ou moins de succès aux autres pays
(Coca-cola, Levi's, Mc Donald).
Mais, ensuite, les firmes globales essayent de concevoir des produits mondiaux
qui seront vendus au même
moment à l'ensemble de la planète afin de profiter des économies d’échelle
obtenue par l’augmentation de la taille du marché ( le logiciel Windows,
Ø En deuxième lieu,
les FMN sont à l’origine des transferts de technologie dans les pays en
développement.
Les populations locales sont obligées de s’adapter aux nouveaux procédés de
fabrication, aux nouvelles normes de travail, pour s’insérer dans les échanges
internationaux.
Ø En troisième lieu,
le contrôle des grands réseaux de communication par les FMN, en particulier par
les
firmes américaines (CNN, Internet, Hollywood) permet de diffuser des messages
et des images propre à la
culture occidentale. Plus de 350 millions de personnes étaient reliées par Internet à un
ensemble de connaissances essentiellement occidentales (Doc 2). La part
de marché des films américains est dominante dans l’ensemble des pays à
l’exception de l’Inde et de
Conclusion partielle = Il semble bien que la mondialisation s’est
accompagnée d’un processus d’acculturation à la civilisation occidentale.
Toutes les sociétés ont évolué culturellement et les individus se sont
appropriés une partie des traits culturels de la société occidentale. Quels
sont les autres facteurs de cette acculturation ?
B – LE RÔLE DES
MIGRATIONS INTERNATIONALES
Phrase introductive = L'ouverture internationale n'est pas
seulement économique. Elle se traduit aussi par de vastes mouvements de
population qui renforcent les échanges culturels.
Ø D’une part, le
développement des déplacements professionnels et touristiques favorise les
rapprochements culturels. Les touristes exportent leur mode de vie et déstructurent
les modes de vie traditionnels. Les touristes amènent avec eux des façons de
faire qui sont propres aux cultures occidentales. En retour, les populations
locales s’adaptent à ces nouvelles pratiques. Ainsi, l'hospitalité
traditionnelle disparaît peu à peu au profit de l'échange marchand.
Ø D’autre part, les cadres dirigeants, notamment
dans les FMN, vont diffuser les valeurs et les normes de la culture occidentale
: l'anglais pour communiquer, les valeurs du libéralisme comme vision du monde
(l'intérêt individuel, l'enrichissement matériel, la recherche du profit
maximum, l’efficacité), le cosmopolitisme comme mode de vie à l’exemple de la
« jet set » (Doc 4). Ce sont ces élites qui ont imposé le
libéralisme comme modèle économique (mouvements de privatisation, de
déréglementation, défendus par les FMN et les institutions internationales
comme le FMI,
Ø Enfin, Les immigrés
adoptent peu à peu la culture du pays d'accueil (langue, façon de penser,
fécondité...).
Au bout de deux générations, l'acculturation est devenue assimilation à tel
point qu’ils sont considérés comme des étrangers dans leur pays d’origine.
Conclusion partielle = Le modèle culturel occidental est à la fois imposé par les puissances
occidentales dominantes et désiré par les peuples qui sont en contact avec ces
dernières. Il se définit principalement à partir du modèle culturel américain
qui sert de référence universelle. Cependant ce processus d'occidentalisation
du monde signifie-t-il une homogénéisation culturelle de la planète ? Les
cultures nationales sont-elles en train de disparaître ?
2
– MAIS NE FAIT PAS DISPARAÎTRE LES SPECIFICITES SOCIOCULTURELLES
A – LES CULTURES
FONT DE
Phrase introductive = Un certain nombre d'enquêtes menées dans
les pays des cinq continents ont montré la vigueur des spécificités culturelles.
Un même film n’est pas perçu et interprété de la même façon en Amérique, en
Afrique ou en Asie. Les filtres culturels agissent dans la perception du monde
(Doc 5).
Ø D’une part, les FMN
sont obligées de tenir compte des spécificités culturelles pour pénétrer un
marché.
Ainsi, l'implantation de Mc Donald dans le monde
entier n'a pas entamé les habitudes culinaires, les façons de manger, propres
à chaque peuple. Mc Donald a dû en tenir compte, pour
enrayer une certaine désaffection de sa clientèle, en introduisant des plats
nationaux à ses menus. De même, les projets d'une automobile mondiale ont
échoué. Les firmes automobiles ont dû adapter leurs produits aux demandes
spécifiques des consommateurs de chaque zone régionale (
Ø De plus, les pays
défendent leur exception culturelle en mettant à l’abri des règles du marché et
de l’OMC les biens et les services culturels. Ainsi, des résistances sont apparues
lorsque les américains ont voulu un modèle culturel uniforme.
Ø Enfin, tout le monde n'accède pas à la
culture occidentale. La mondialisation culturelle ne touche pleinement qu'une
minorité de la population mondiale. De nombreux pays ne sont pas connectés
aux réseaux mondiaux de communication et ne consomment pas ou très peu de
produits mondiaux. Ainsi, les américains ont 16 fois plus accès à Internet que
les africains (Doc 2). La distance, ainsi aggravée, entre le Sud et le
Nord, se double d'un fossé grandissant au sein de chaque société, entre les
groupes sociaux favorisés qui accèdent de plus en plus facilement à la culture
mondiale et les défavorisés qui en sont exclus.
Conclusion partielle = Comment expliquer ce maintien des spécificités socioculturelles ?
B – CAR
L’ACCULTURATION EST UN PHENOMENE COMPLEXE
Phrase introductive = Les normes et les valeurs d’une société
sont en perpétuelle construction sous l’influence des échanges entre les
groupes sociaux au sein d’une société mais aussi des échanges entre les
cultures des différentes sociétés.
Ø Tout d'abord, le processus
d'acculturation ne se fait pas que dans un seul sens. La culture occidentale a emprunté
de nombreux éléments culturels à d'autres sociétés. L'usage du tabac, du café,
de la pomme de terre, mais aussi des mangas japonaises, des séries télévisées
brésiliennes, du judo, des musiques africaines sont autant de traits culturels
qui transforment en permanence la culture des pays dominants. Plutôt qu'une
homogénéisation des cultures nationales, on constate des recompositions
permanentes par réappropriation d'éléments en provenance de l'extérieur. Il en
a toujours été ainsi. Le thé à la menthe que l'on associe à un rituel immuable
de la société marocaine a été introduit par les Anglais au XVIIIe siècle et ne
s'est généralisé qu'au XIXe siècle. L’acculturation est donc un phénomène d'hybridation
culturelle appelé encore métissage culturel ou syncrétisme
culturel (Doc 3)
Ø Ensuite, les
cultures dominées ont une capacité d'agir sur la culture dominante. Les sociétés peuvent accepter un
certain nombre d'éléments culturels de la société occidentale mais elles les
sélectionnent et elles les réinterprètent. Ainsi, les indiens d'Amérique Latine
ont dû se convertir à la religion catholique de gré ou de force. Ils ne l'ont
fait qu'après avoir reconnu dans les saints catholiques des divinités locales,
ce qui leur permet de conserver leurs traditions tout en s'acculturant. De
même, le cadre africain, formé à l'occidentale, adopte les comportements
professionnels des cadres occidentaux dans l'entreprise mais revient au mode de
vie africain lorsqu'il rentre à la maison. Enfin, un immigré accepte les us et
coutumes du pays d'accueil mais continue à parler sa langue ou à manger les
plats de son pays à la maison. Il y a donc un phénomène de multiculturalisme
(Doc 5).
Ø Enfin, l’exclusion
d’une partie de la population mondiale et les contacts brutaux, qui peuvent se
produire entre des sociétés trop inégales, se traduisent parfois par des
mouvements de contre-acculturation. La réislamisation du monde arable ou persan, le
développement des mouvements régionalistes, le repli de certaine communauté
immigré sur ce qu’elle croît être sa culture d’origine,…en sont des
illustrations.
Conclusion :
Rappel de la démonstration = Le processus d'acculturation est un phénomène complexe.
D'une part, il est indéniable que les cultures se transforment en permanence au
contact des autres sociétés. La culture occidentale n'y échappe pas. Mais,
cette transformation ne signifie pas harmonisation culturelle ou convergence
des cultures vers un modèle culturel mondial empruntant beaucoup à la culture
américaine ou à la culture occidentale. En effet, l'acculturation ne signifie
pas abandon total de la culture dominée, ce qui serait un génocide culturel.
Les peuples s'acculturent en permanence tout en préservant leurs spécificités
socioculturelles. Pour cela, ils font un tri entre les différents éléments
culturels et ils les réinterprètent pour qu'ils soient compatibles avec leur
culture. L'économie de marché qui s'étend à toute la planète n'a pas su imposer
une société de marché. L'adoption d'un certain nombre de styles de vie
occidentaux ne signifie pas l'uniformisation de la vie.
Ouverture
= Toutes les cultures étant des mixtes historiques, comment la généralisation
des NTIC à toute la planète va-t-elle faire évoluer les cultures
nationales ?